Note d'intention
              Stella est Roumaine, elle a 49 ans, et vit avec 
                son mari Roumain au "Hanul", un bidonville de la plaine 
                Saint-Denis situé sous l’A86, le long des rails du 
                RER. Pour survivre, elle mendie dans le métro parisien, 
                assise en bas des marches de la station Oberkampf. L’hôpital 
                de la Pitié-Salpêtrière est un des rares lieux 
                où elle a un contact direct avec la société 
                française : elle tente de s’y faire soigner les dents, 
                et préserve par là-même sa dignité, 
                malgré tout.
              Qui est Stella ? Pourquoi est-elle venue en 
                France ? Qu’a-t-elle laissé en Roumanie ? Comment 
                s’est-elle adaptée à la vie dans un bidonville 
                ? Comment a-t-elle pris la décision d'aller mendier ? Quelles 
                sont ses attentes, ses projets... ses rêves ? C’est 
                parce que je me posais ces questions que j’ai décidé 
                d’en faire un film. Un film sur ces personnes invisibles, 
                auprès desquelles nous passons, jour après jour, 
                dans l’indifférence.
              Je me suis immergée dans la réalité 
                de Stella et des siens, prenant le temps nécessaire pour 
                être en mesure de la traduire en images sans céder 
                au folklore ou au sensationnel. J’ai filmé Stella 
                au plus près, sans occulter sa normalité mais sans 
                prétendre non plus à la scientificité de 
                l’étude sociologique. Je n’ai pas voulu expliquer 
                Stella, mais donner une occasion au spectateur de se mettre à 
                sa place l’espace d’une heure et dix-sept minutes. 
                
                Avec Stella, Marcel, Gabi, et tous les autres, j’ai enfin 
                compris un paradoxe de taille: pour une majorité de personnes 
                issues de la classe ouvrière roumaine - jadis portée 
                aux nues et assistée par le régime-, le passage 
                brutal à la démocratie fut synonyme d’une 
                chute vertigineuse. 
                Bien malgré elles, ces personnes sont « entrées 
                en démocratie » sans mode d’emploi, sans 
                accompagnement ni explication. Soudainement confrontées 
                au libéralisme politique et économique, elles ont 
                eu le sentiment d’évoluer dans une société 
                qui n’a plus besoin d’elles, ce qui les a amenées, 
                parfois, à regretter la sécurité du 
                régime d’antan.
                Avec Stella, j’ai pu approcher le mythe du mendiant de l'Est, 
                pour mieux le déconstruire. Je lui ai donné la parole, 
                et elle l’a prise avec honnêteté, finesse et 
                sensibilité. Une vraie parole articulée, un vrai 
                pouvoir d’analyse. 
                STELLA raconte donc tout à la fois l’histoire d’une 
                ouvrière de l’ère Ceaucescu déboussolée 
                par l’histoire chaotique de son pays, d’une amoureuse 
                qui prend des risques pour la survie de son homme, d’une 
                immigrée diabolisée, mais soignée, par son 
                pays d’accueil... et surtout, STELLA raconte l’histoire
                d'une femme ordinaire, une femme qui nous ressemble, et qui rêve 
                encore.
              Vanina Vignal